Prémétro+ Nord-Midi-Albert

Ou comment offrir dès à présent un meilleur service sans attendre le Métro3 et à un prix soutenable.

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Contraintes mises en avant par la STIB et réponses apportées par la Plateforme Avanti

Le 27 mars 2023, dans un communiqué publié sur le site internet officiel du projet de métro 3 et intitulé « Plus de trams dans le prémétro, une fausse bonne idée », la STIB répond au projet de prémétro + et déclare que cette alternative ne rencontre pas les objectifs poursuivis par le projet de métro 3 et ne permettrait qu’une petite augmentation de la capacité pour à peine 10 ans.

Nous avons demandé à l’expert en mobilité, ancien du SPF mobilité et statisticien (ancien quality manager de Statbel) Luc Lebrun d’examiner les réponses de la STIB au regard du projet porté par la plateforme Avanti. Nous reproduisons ci-dessous le texte de la STIB (sur fond vert) suivi par les remarques (sur fond jaune) de Luc Lebrun.

La plateforme Avanti, qui réunit plusieurs associations, propose un schéma d’exploitation alternatif à la transformation de cet axe en métro, avec des lignes prolongées et le rajout d’une troisième ligne dans le tunnel existant. Si le plan propose des avantages, il comporte également des inconvénients pour les utilisateurs des transports publics. Le risque de dégradation de l’offre actuelle, déjà problématique, est sérieux et certain.

Le plan propose des améliorations à court terme, valables également à moyen terme, de manière améliorer le service sans attendre le métro qui, dans le meilleur des cas, ne serait que partiellement opérationnel que dans une petite dizaine d’années. Une bonne gestion publique indique de ne pas laisser les usagers sans solutions pour un si long délai. La proposition apporte une réponse aux besoins de capacité rencontrés sur l’axe Nord-Sud tels qu’on peut raisonnablement les évaluer à terme.

Concernant la régularité

La proposition combine plusieurs lignes de trams circulant à la fois en surface et en tunnel, tout et rallongeant leurs itinéraires. Or des lignes plus longues sont davantage exposées aux aléas de la circulation en surface (temps d’attente aux carrefours, conflits avec d’autres modes, risques d’accident, déviations pour travaux, livraisons….). Une réalité qui empêche d’assurer une régularité des véhicules acceptable pour les voyageurs. L’impact pourrait sembler gérable pour une ligne 4 prolongée jusqu'à Esplanade, et à la limite pour un tram 3 couplé avec la ligne 7. Ceux-ci circulent sur des tracés majoritairement en site propre et équipés de systèmes de télécommande des feux. Néanmoins, la réalité montre déjà aujourd’hui que malgré ces aménagements, ces lignes ne sont pas à l’abris d’imprévus. En effet, il n’est pas toujours possible d’assurer en heure de pointe la fréquence de 2minutes 30 telle que programmée. Mais que dire de la ligne de tram 55, qui ne bénéficie pas de tous ces aménagements et est une ligne nettement plus lente et moins fiable que les lignes chrono. Ce chaînon faible créera à coup sûr un effet domino sur la régularité des lignes 3 et 4, dégradant le service pour les voyageurs d’une grande partie de la Région.

La multiplication des lignes sur le tronc commun est de nature à y augmenter la régularité, parce les lignes compensent mutuellement les irrégularités en amont que peut subir chacune d’entre elles (phénomène de régularité statistique). L’adjonction d’une troisième ligne, quelles que soient ses performances propres, augmentera la régularité dans le prémétro (qui par ailleurs serait renforcée par deux trams en stand-by aux extrémités, tels que préconisés par le projet, formule d’ailleurs appliqué par la STIB dès 1969 dans le prémétro 1).

Pour ce qui est de la vitesse commerciale de la ligne 55, le tram pourrait être plus rapide s'il pouvait rouler en site propre sur l'ensemble de son parcours, mais cela nécessiterait des modifications trop importantes pour être raisonnablement envisageables. Selon les études de la STIB, le gain de temps sur le parcours entre Evere et la gare du Nord serait toutefois limité. Sur ce tronçon, il ne serait pas possible d'augmenter la vitesse commerciale jusqu'à la moyenne d'une ligne de tram moyenne à Bruxelles et encore moins à celle d’une ligne Chrono.

Voici les chiffres actualisés d’avril 2023 de la ligne 55 :

  • Vitesse commerciale du tram 55 : 14.2 km/h
  • Vitesse commerciale du tram 55 à l'heure de pointe du soir : 13.1 km/h
  • Vitesse commerciale moyenne du tram : 15,98 km/h (2022)
  • Vitesse commerciale moyenne chrono : 17,77 km/h (2022)

Plusieurs raisons sont mises en avant par la STIB pour juger de l’impossibilité d’une amélioration de la vitesse commerciale : l’itinéraire dans des quartiers densément peuplés avec des rues relativement étroites, l’animation de ces rues qui oblige les conducteurs à conduire prudemment afin de ne pas mettre en danger les autres usagers... Pourtant, assez curieusement, la vitesse n’est pas meilleure sur la partie indépendante de la circulation (Liedts – Rogier, site protégé + tunnel) que sur la partie réputée difficile (Paix – Liedts) ; des améliorations, de la responsabilité de l’exploitant, sont donc possibles. Un autre facteur de ralentissement est que le Tram 55 croise d’autres lignes de tram également très fréquentées, essentiellement entre la gare du Nord et Liedts (et une autre à Verboekhoven). Heureusement la restructuration du complexe Reine - Thomas a déjà apporté une amélioration ici. D’autres modifications locales à bas coût peuvent aussi être mises en œuvre (réorganiser certains carrefours, instaurer un « semi-piétonnier » sur la chaussée de Helmet, diminuer le trafic automobile sur le parcours de la ligne, donner la priorité au transport public aux feux, etc.). Le réaménagement en cours à la Chaussée de Haecht montre la bonne volonté de la commune de Schaerbeek afin d’améliorer les conditions de circulation du transport de surface. Prolongée à Albert, sans compter les améliorations locales possibles, la vitesse globale de la ligne 55 serait de l’ordre de 17 km/h (18 km/h en améliorant la circulation dans le tunnel), c’est-à-dire presque comparable à celle d'une ligne chrono. À noter que vu les distances limitées parcourues par les usagers, la vitesse des trams sur la section nord n’influence que peu leur temps de parcours total, pénalisé plus par la rupture de charge Gare du Nord. En effet d’une manière générale, la vitesse ne constitue pas le seul critère d’appréciation de la qualité d’un trajet : le temps de parcours de porte à porte se réduit significativement dès lors que l’on réduit les correspondances.

Une autre faiblesse est que la ligne 55 ne peut pas être à ce jour exploitée avec les trams les plus longs (T4000). Cette limite capacitaire rend l’exploitation moins attractive. Les trams plus petits seront logiquement plus chargés quand ils passeront dans le prémétro. Il leur faudra plus de temps pour décharger et charger les voyageurs. Ils perdront encore davantage de temps. De plus, les voyageurs devront être très attentifs et choisir le bon côté du quai, pour ne pas se trouver sur une partie du quai qui n’est pas desservi par les trams plus courts…

La différence de longueur, de nature à générer un inconfort sur les quais, est toutefois nettement moindre que celle acceptée actuellement dans le métro, exploité avec des rames de 4 ou 5 voitures. À terme, une signalisation adéquate comme il en existe sur des réseaux étrangers – où les différences de longueur vont souvent du simple au double – permettrait aux véhicules de s’arrêter en milieu de quai, réduisant de moitié la distance non couverte de chaque côté.

Il serait possible d’améliorer la fluidité du parcours de la ligne 55 pour permettre l’utilisation de trams plus longs et réduire ses temps de parcours. Toutefois cela nécessite des investissements considérables et plusieurs années de travaux pour une amélioration qui sera de toute façon moindre que celle offerte par le métro.  Le tracé resterait très sinueux et continuerait à traverser des quartiers denses. La vitesse commerciale ne serait donc jamais comparable avec celle de la ligne 4 par exemple.  Au final, le gain d’efficacité ne serait que de très court terme pour un budget qui resterait impactant.

L’allongement des embarcadères ne nécessite que des investissements très modestes (surtout au regard des sommes consacrées au métro 3), et des aménagements provisoires peuvent être réalisés en très peu de temps.

Outre l’augmentation de la taille des trams, une des possibilités d'augmenter la capacité de la ligne consiste à augmenter la fréquence :

  • soit par l’adjonction de parcours partiels, limités à Rogier, au bénéfice des usagers qui ne dépassent pas cette destination
  • Soit par la déviation du 92 qui, au-delà de Verboeckhoven, ne transporte plus beaucoup de voyageurs

Incidemment, on peut regretter la suppression du terminus intermédiaire place de la Paix, étant donné qu’au-delà le 55 ne transporte plus non plus beaucoup de voyageurs.

Concernant le croisement des lignes de tram à Lemonnier

La régularité restera également compromise à cause du croisement avec les lignes de tram 51 et 82 dans le tunnel Constitution entre la Gare du Midi et Lemonnier. Dans la configuration actuelle, il y a 88 mouvements de trams par heure à cet endroit stratégique. Les trams y roulent à vitesse réduite et doivent s’arrêter souvent entre les deux stations pour donner priorité à un tram qui croise la ligne. La proposition Prémétro + augmente le nombre de mouvements à 110 trams/heure. Vu les limites de cette infrastructure, cette augmentation des croisements va multiplier les embouteillages de trams et provoquer des ralentissements en cascade sur plusieurs lignes. La suppression de ces croisements est l’un des principaux avantages de la construction de la nouvelle station Toots Thielemans et de son tunnel de contournement. Cette nouvelle infrastructure indispensable rendra l’axe Nord-Albert beaucoup plus robuste, fluide et efficace. 

La proposition de la Plateforme Avanti est d’utiliser la station Toots Thielemans dans son exploitation.  Mais comme elle se fera attendre encore de nombreuses années, il est indispensable de gérer la question sans attendre.

Le complexe Lemonnier (-Poincarré) est incontestablement délicat dans l’exploitation prémétro de l’axe Nord-Midi. Face à un problème, deux attitudes sont possibles. Soit on le considère comme insoluble, soit, plus constructivement, on essaie de le résoudre.

Le complexe Lemonnier (– Poincaré) est constitué (non compris l’accès Jamar, hors étude) :

  • de deux accès au nord (prémétro Nord – Midi et Boulevard Poincaré, avec stations conjointes Lemonnier), et deux au sud (station Midi souterraine et arrêt Midi rue couverte),
  • avec quatre voies entre les deux, ainsi qu’un complexe d’aiguillages, avec croisements à niveau

Chaque entrée étant couplable avec chaque sortie, l’infrastructure permet le traçage de quatre itinéraires : Nord-Midi et Porte d’Anderlecht de et vers Midi surface et Midi souterrain), logique dans laquelle elle avait été conçue, afin de multiplier les lignes et diminuer d’autant les correspondances. À l’heure actuelle elle ne gère plus qu’un croisement (Nord – Midi souterrain versus Porte d’Anderlecht – Midi surface), et est sous-exploitée : seules deux des voies sont réellement utilisées.

Le complexe voit actuellement passer quatre lignes de tram, qui se croisent simplement à niveau (deux sur chaque itinéraire). Dans le passé le nombre de lignes a été supérieur – jusqu’à six – ceci avec des fréquences de passage moindre, mais des croisements plus complexes. Il y a actuellement au total jusqu’à 88 mouvements par heure, deux sens réunis. Pour se faire une idée, on peut comparer la configuration avec les cas de Appellhofplatz à Cologne et Diamant/Astrid à Anvers ; deux bifurcations souterraines qui voient passer respectivement 72 et 90 mouvements, dans des configurations partiellement comparables (avec des facilités d’une part, des complications d’autre part, légèrement différentes). Mais aussi et surtout avec le carrefour Steinenberg/Theaterstrasse à Bâle qui, avec tous les croisements à niveau, voit passer chaque heure 120 trams – souvent plus longs que les T4000 - sur le tronc commun (88 à Bruxelles), et 144 au total sur les trois itinéraires du triangle (88 sur les deux à Bruxelles). La circulation se fait de manière fluide, malgré qu’elle soit pour une large part le fait de trams plus longs que les T4000, c’est-à-dire plus lents à dégager les courbes et carrefours.

Le complexe Lemonnier, comme celui de Bâle, est doté de croisements tous à niveau. Pour le négocier, les trams roulent à vue, avec des règles de priorité bien précises. Ils roulent donc lentement, ce qui occasionne un temps de parcours allongé d’une minute par rapport à une formule sans croisement (2 à 3 minutes de et vers l’arrêt ou la station Midi, là où le parcours Toots Thielemans – Midi devrait se faire en 1 minute 30 à 1 minute 45). Cette valeur n’est pas rédhibitoire.

Ce qui précède montre que la capacité du complexe Lemonnier présente de la marge. Néanmoins, dans un souci de fluidité de la circulation, il est conseillé de ne pas en abuser. Quoique cette valeur n’ait pas de rigueur scientifique absolue (moins il y a de trams, meilleure est la régularité ; quand il n’y en a pas du tout, elle est parfaite !), on peut sur base des cas comparables considérer comme raisonnable de ne pas dépasser une centaine de passages par heure, deux sens réunis.

À cet égard, la simple injection du 55 dans le tunnel, toutes choses égales par ailleurs, en produirait (72+40=) 112.

Une formule possible est de limiter la fréquence à 10 par heure sur les trois lignes Nord – Midi. On aurait de ce fait (60 + 40 =) 100 trams à Lemonnier. Personne n’aime voir la fréquence de son tram diminuer, mais en l’occurrence le temps d’attente serait augmenté de … trente secondes, valeur non rédhibitoire, tandis que la capacité serait augmentée de 25 %. Une solution à court terme en attendant la mise en service de la station Toots Thielemans qui permettrait alors d’augmenter la capacité selon le plein potentiel de la proposition prémétro + de la plateforme Avanti.

Ce qui précède est applicable sans délai. En marge, il est pertinent de s’interroger sur la plus-value du complexe Lemonnier dans l’état et les perspectives actuels de l’exploitation. Elle permet bien des mouvements dans quatre directions, mais à l’heure actuelle elle ne gère plus qu’un croisement (Nord – Midi souterrain versus Porte d’Anderlecht – Midi surface), qu’il n’y a pas vraiment de raison de faire à niveau. Il serait pertinent de mener une étude à ce sujet pour déterminer les faisabilités en termes de remise en surface de certaines des lignes concernées (51, 81, 82).

Besoin de plus de trams et d’un dépôt supplémentaire

Si nous voulons injecter plus de trams dans le prémétro, cela a également des conséquences sur le reste du réseau. Cela réduit les possibilités de réaliser des extensions du réseau tram à court terme. Il faut savoir que la conversion du prémétro Nord-Albert en métro permettra de libérer 21 trams de grande capacité pour renforcer des lignes existantes ou en créer des nouvelles (Neder-Over-Heembeek, Tour & Taxi, Mediatram…).

Le remplacement de la ligne 55 par un axe métro, comme prévu dans la deuxième phase du Métro 3, pourrait libérer 19 autres trams. Au total ce sont 40 trams qui deviennent disponibles pour assurer une meilleure desserte ailleurs grâce au Métro 3.

Avec la proposition prémétro+, il faudrait non seulement conserver ces 40 trams sur l’axe nord-sud, mais en plus en ajouter entre 8 et 10 trams supplémentaires pour exploiter notamment la ligne 55 prolongée. À moyen terme ce sont donc plus ou moins 50 véhicules qui ne peuvent pas servir pour des extensions du réseau ou pour augmenter la capacité/les fréquences sur des lignes existantes.

On peut évidemment imaginer une commande de trams supplémentaires, mais cela demande des moyens supplémentaires et nécessite plusieurs années (cahier des charges, procédure de marché, livraison, tests techniques…). De plus, il faudrait prévoir un dépôt tram supplémentaire, parce que les dépôts existants sont saturés. Un dépôt peut héberger +- 50 véhicules. De nouveau, des investissements seront nécessaires et cela prendra du temps (acquisition de terrain, permis d’urbanisme…).

Le prolongement du 55, requiert environ 8 trams supplémentaires, à comparer au nombre de rames de métro nécessaires pour exploiter le tronçon Nord -Albert. Il y a donc ici une économie assez considérable. Le parc requis est disponible (sans préjudice évidemment du fait que toute augmentation de fréquence sur le réseau, qui serait nécessaire au vu de l’augmentation de la demande, requiert des véhicules ; ceci n’entre pas dans la présente problématique).

La demande en tram semble limitée pour le moment puisqu’à court terme, le seul projet de nouvelle ligne est la ligne 10, dont une partie des trams requis proviendront de l’actuelle ligne 3. Par ailleurs, une commande de trams est en cours de livraison à la STIB dans la cadre d’un contrat-cadre qui permet d’augmenter les commandes de matériel roulant.

Une augmentation de capacité théorique à très court terme

La plateforme Avanti promet une augmentation de la capacité de l’ordre de 36% grâce à sa proposition. En théorie il serait possible d’augmenter la capacité offerte en rajoutant des véhicules supplémentaires dans l’infrastructure existante. Mais cela va surcharger le tunnel et du coup cette nouvelle offre sera compromise par des problèmes d’irrégularité. Ces places supplémentaires ne seront pas 100 % exploitables si les voyageurs sont confrontés à des embouteillages de trams. Le premier tram qui vient soulager un quai bondé sera surchargé, mais le troisième ou le quatrième tram ne seront pas tout à fait remplis. Dès lors, dans la réalité, les voyageurs n’auront certainement pas l’impression que la capacité de l’axe a été renforcée, au contraire. 

Le principal argument pour convertir en métro lourd l’axe Nord – Midi - Albert porte sur la capacité de transport. Les études qui ont été faites en la matière, largement sujettes à caution, tendent à « démontrer » que le principe du métro léger ou semi-métro, avec des véhicules compatibles en surface, n’est pas satisfaisant.

Les possibilités et limites de cette formule n’ont toutefois fait l’objet d’aucune étude sérieuse, qui mériterait pourtant d’être réalisée. Sans sortir des principes d’exploitation actuels, et en particulier sans envisager une conduite automatique des véhicules, quelques conclusions sans ambiguïté sont possibles.

L’exploitation actuelle propose 24 passages par heure et sens de trams T4000, offrant (24x253=) 6072 places.

Dans le passé, les fréquences de desserte entre le Nord et Lemonnier ont été largement supérieures (jusqu’à 30, recensées), sans pour autant dépasser notablement la capacité, parce qu’exploitées avec des véhicules sensiblement plus courts (avec des portes plus étroites).

La combinaison des fréquences anciennes et des véhicules actuels donnerait 6860 (+ 13 %) avec un mix 1/3 T3000 et 2/3 T4000 (pour tenir compte d’un 55 non revalorisé), et 7590 (+ 25 %) avec des T4000.

Les mêmes combinaisons avec (3x24=) 36 passages à l’heure – limite considérée comme raisonnable, proposée par défaut par le projet Avanti, fréquence qui a été dépassée sur l’axe de Petite Ceinture par six lignes du temps du prémétro , donneraient respectivement 8232 (+ 36 %) et 9108 (+ 50 %).

Même en admettant de conserver le gabarit actuel des trams bruxellois (2.30 m de large), afin de maintenir l’homogénéité et la compatibilité des lignes du réseau, il est possible sur les lignes les moins sinueuses (ici le 3 et le 4), moyennant des adaptations mineures (arrêts), d’utiliser des véhicules à 9 caisses, du genre Urbos 3 Budapest. Ce type de trams (éventuellement en unités doubles ou avec remorque) existent dans plusieurs villes d’Europe ; à Cologne par exemple presque tous les trams, qui roulent en unités doubles, ont cette longueur. On passe alors à environ 10860 places par heure (+ 79 % par rapport à l’offre actuelle).

Et pourquoi pas si nécessaire, avec un peu d’ambition pour les lignes 3 et 4, envisager des unités doubles de T3000 : 11676 places par heure, soit un doublement par rapport à la capacité actuelle ? Les stations souterraines y sont déjà presque adaptées (il faut modifier les quais, mais pas plus que pour la conversion en métro).

Dans le cas qui nous concerne, l’augmentation de fréquence dans un tronc commun, si elle est le fait de l’adjonction d’une ligne supplémentaire, augmente la régularité, parce l’irrégularité de chacune des lignes constitue des phénomènes statistiquement indépendants qui, par le phénomène de régularité statistique, ont tendance à se compenser mutuellement : si cela coince sur une ligne en amont du tronc commun, une autre peut s’intercaler. Si par exemple un problème se pose place Vanderkindere, le projet Avanti injecte à partir d’Albert des trams dans le prémétro tandis que dans la configuration actuelle celui-ci se trouve dépourvu de toute desserte.

Même si on trouvait une façon de cadencer parfaitement les lignes et que l’augmentation de la capacité était réelle,  cette offre supplémentaire serait compensée par la croissance des voyageurs dans les 10 ans qui viennent. Cela pose un sérieux problème vu que le modèle proposé ne donne aucune marge de manœuvre pour augmenter l’offre sans faire des travaux et des investissements considérables. Est-ce que nous allons reconsidérer le Métro 3 à ce moment-là? Nous aurons perdu 10 ans alors que nous savons que ce genre de projet met du temps à se concrétiser.

La demande actuelle sur l’axe Nord – Midi est, en heure de pointe, de l’ordre de la moitié de la capacité offerte. Il reste donc pas mal de marge.

Pour l’avenir, du fait de la combinaison des facteurs suivants :

  • la densification de l’occupation de la ville qui se fera, pour une raison évidente d’espace disponible, en dehors des quartiers actuellement les plus denses (notamment Schaerbeek et Evere) ;
  • la multipolarisation de l’agglomération bruxelloise qui diversifie (« déconcentre ») les flux ;
  • l’évolution du mode de vie qui étale les heures de travail et, partant, les heures de pointe ;
  • en outre le télétravail qui écrête la demande à ces mêmes heures, les plus chargées.

Il est vraiment très peu probable que, dans les dix ans à venir mais même à long terme, la demande de crête – celle qui conditionne la capacité nécessaire - sur l’axe Nord – Midi – Albert - dépasse les valeurs possibles en améliorant l’exploitation (chiffres ci-dessus, qui montrent que la capacité peut, selon la formule retenue, dépasser le triple de la demande actuelle).

À titre de comparaison, la capacité offerte sur la de métro ligne 2/6, nettement plus chargée que l’axe 3, est légèrement supérieure à 13000 places par heure (quand il ne manque pas une voiture au convoi), et est largement excédentaire. Le seul besoin supérieur à Bruxelles se trouve sur un tronçon de trois kilomètres (quatre stations : Montgomery – Arts-Loi) de la ligne 1 du métro, dans un seul sens, durant trois quarts d’heure par jour (de 8h15 à 9h), et il est dû à une concentration artificielle des usagers par suppression de nombreuses lignes directes (22, 23, 25, 28, 39, 44, plus des lignes de bus) qui, avant, leur épargnaient des correspondances.

Dans sa communication, la STIB ne présente pas de graphique sur l’évolution attendue sur l’axe Nord-Midi-Albert, en particulier à l’heure de (l’hyper-) pointe. Les chiffres présentés ne concernent que l’évolution globale de son réseau, sans distinguer ni un axe ni une période donnée. Ces chiffres doivent par ailleurs être réévalués dans la période post-Covid. Ces données sont essentielles pour pouvoir objectiver les besoins et il est impératif que la STIB les présente aux pouvoirs publics et à la société civile.

Cet objectivation permettrait d’évaluer plus finement les besoins sur cet axe. L’une des raisons de la surcharge éventuelle des lignes 3 et 4 aux heures de pointe est due à la rupture de charge à Rogier de la ligne 55, qui oblige donc les utilisateurs à se rabattre sur les lignes 3 et 4, un problème que la solution Prémétro + propose de résoudre, il sera en outre plus facile de se rendre ailleurs à Bruxelles depuis Schaerbeek ou Evere en transports en commun et vice-versa. En même temps, la desserte locale de ces quartiers reste assurée sans devoir recourir à deux réseaux parallèles (métro et surface).

Par ailleurs, il a été prouvé que la demande sur les lignes de tram reste importante. De 2000 à 2017, la STIB a gagné 230 millions de voyageurs, soit + 135%. Comment? Ce gain a été obtenu pendant que le réseau de tram était réduit de 12% au profit de l’allongement des lignes de métro: +37% entre 2000 et 2017 (mise en service de la ligne vers Erasme, bouclage de la petite ceinture). On aurait pu s’attendre à ce que le tram perde quelques millions de voyageurs au profit d’un métro renforcé.

En fait, c’est l’inverse qui s’est produit : l’augmentation des voyageurs s’est faite sur le réseau de tram (+217%), de bus (+127%) et ensuite seulement de métro (+95%). Comment expliquer ce phénomène ? Par la mise en circulation de plus grands véhicules sans doute, mais surtout par un remarquable effort de la STIB en termes de renfort des fréquences de passage des trams et des bus, les fréquences du métro ayant toujours été élevées. La fréquence de passage moyenne des trams a été augmentée depuis 2000 de 33% et celle des bus de 19%.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes et reflètent une évidence : les Bruxellois sont intéressés par l’offre de l’ensemble des 670 kilomètres de lignes du réseau de la STIB et un effort sur tout le réseau est directement reconnu (à ce sujet lire : »Offre et fréquentation des transports publics bruxellois de 1950 à 2017 », Vincent Carton, Brussels Studies, 2018).

Cela étant, le télétravail structurel rend absolument nécessaire d’actualiser les chiffres de fréquentation du transport public, ceux antérieurs à la période Covid n’étant plus valides. L’enjeu est de mesurer cet impact et sa géographie.Les chiffres 2022 de la fréquentation des gares de la SNCB montrent une baisse de la fréquentation par rapport à la période pré-covid d'environ 20% des grandes gares bruxelloises proches de centres de bureaux (nord, central et Luxembourg).

Selon l'analyse de Mathieu Strale (ULB), ces chiffres sont cohérents avec l'impact attendu du télétravail, soit une baisse de la fréquentation de la part des travailleurs navetteurs. Par contre les autres motifs de voyage, pour les achats, les loisirs ou liés à l'école par exemple, continuent à augmenter et à faire monter la fréquentation des transports en commun.

Cela mène à une plus grande dispersion temporelle et géographique des flux, ce qui plaiderait pour renforcer les fréquences et l'offre des transports en commun, en particulier en heures creuses, soirées et week-end et en dehors des grands flux de navetteurs pour aller chercher de nouveaux voyageurs.

Ces conclusions sont en contradiction avec le modèle du métro 3, qui lui se base sur une concentration temporelle et géographique des flux, basée notamment sur l'augmentation d'usagers navetteurs (au moins pour la branche Nord-Albert).

Il est donc impératif d’obtenir une actualisation des comptages de fréquentation par station et un recalcul des modèles de fréquentation pour prendre en compte l'impact de ces nouveaux modes d'organisation des déplacements sur le métro 3.

En gestion publique, un principe fondamental dans notre société qui évolue vite, consiste à investir de manière souple, en évitant les travaux qui risqueraient de devenir obsolètes avant même d’être opérationnels.

Conclusion

La proposition Prémétro+ ne pourrait pas du tout répondre aux défis de l’axe Nord-Albert même avec des investissements importants. L’exploitation de l’infrastructure existante a atteint ses limites, et toutes les études recommandent une adaptation du tunnel et des stations, comme déjà prévu depuis les années 1970, pour accueillir des véhicules beaucoup plus capacitaires. Cela reste la seule façon d’offrir une réelle amélioration de l’offre et de la qualité du service pour nos voyageurs.

Sans préjudice d’une conversion en métro – à long terme par la force des choses (chantiers, budgets) - si les besoins s’en faisaient sentir, la proposition Pré-Métro+ peut largement répondre aux défis de l’axe Nord-Albert sans investissements ni délai importants. L’exploitation de l’infrastructure existante, qui au demeurant voyait passer plus de trams dans le passé, présente d’importantes réserves de capacité grâce à un rétablissement des fréquences antérieures couplé à l’utilisation de véhicules plus grands. Cela reste la seule façon d’offrir sans délai une réelle amélioration de l’offre et de la qualité du service pour nos voyageurs.

Le lancement d’une étude indépendante sur les scénarios alternatifs au métro 3 est une nécessité, au même titre qu’une actualisation des données de fréquentation de l’axe Nord-Midi-Albert, à court et à moyen terme.

La Plateforme Avanti ! rassemble des associations et des comités d’habitant.e.s qui se mobilisent pour le développement d’un transport public performant, accessible à toutes et tous et dont la mise en œuvre offre un bilan carbone avantageux en termes de coûts / bénéfices.

Signataires